Page:Quincey - Souvenirs autobiographiques du mangeur d’opium, trad. Savine, 1903.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
DU MANGEUR D’OPIUM

ils étaient unanimes sur la chose même) : « Monsieur, j’ai connu votre père ; c’est le plus honnête homme que j’aie rencontré au monde. » Personne, que je sache, ne lui a appliqué l’épithète élogieuse d’homme habile, ou d’homme de talent. Et cependant il l’était à une point de vue secondaire, soit par sa réussite dans les affaires, soit d’autres façons encore plus discutables. Il écrivit un livre, — et bien que ce ne fût pas un livre à grandes prétentions par le sujet, — néanmoins, à cette époque, le seul fait d’avoir écrit un livre était pour un homme une preuve d’activité intellectuelle, et de force dans le caractère, pour avoir ainsi accompli une action sans précédents. Au point de vue de l’exécution, le livre était réellement estimable. Quant au sujet, c’était l’esquisse d’une excursion dans les comtés du centre de l’Angleterre, en un volume in-octavo. Le plan sur lequel il était construit comportait une assez agréable variété, car dans toute l’excursion le lecteur distinguait un double but : d’abord l’étude des beaux-arts, qui amenait à mentionner d’une manière générale les peintures et les statues qui se trouvent dans les principales demeures seigneuriales situées au voisinage de la route ; ensuite l’attention donnée aux arts mécaniques, tels qu’ils se manifestent dans les canaux, les manufactures, etc., qui alors surgissaient partout, et progressaient d’un mouvement rapide, sous l’impulsion d’Arkwright et des Peels, dans un sens ; et dans l’autre sous celle de Brindley, et sous le patronage du Duc de Bridgewater.

Disons-le en passant, un accident de l’existence du duc, concourant avec ses dispositions naturelles, avec sa sombre sensibilité à l’injure ou à l’in-