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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

vert, car un grave personnage, prenant un air superlativement grave, que le hasard avait placé ce jour-là à côté de moi, mais que je ne connaissais pas personnellement, s’adressa à un ami qui lui faisait face, et lui demanda s’il avait lu la dernière Gazette, ajoutant qu’il y trouverait un ordre du conseil interdisant à l’avenir de porter des gilets. Son ami répondit avec la même gravité qu’il était enchanté d’apprendre que Sa Majesté avait promulgué une défense des plus raisonnables, et qu’il espérait bien qu’elle serait suivie d’une interdiction de porter des pantalons, attendu qu’il était encore plus désagréable d’en acheter. Ils échangèrent ces propos sans qu’un muscle de leur physionomie remuât ; puis ils causèrent d’autres choses, et je conclus qu’après tout, ils avaient découvert ma tactique, et avaient voulu me donner un avertissement de la seule manière qui fût à leur portée. En tout cas, ce fut la seule personnalité, la seule allusion équivoque qui soit jamais arrivée à mes oreilles pendant les années où j’affirmai mon droit d’être aussi pauvre qu’il me convenait de l’être. Et certainement mes critiques avaient raison que leur intention fût bonne ou maligne, car un peu de soin accordé aux vêtements suffira toujours, même dans la pauvreté la plus complète, pour tenir lieu d’une dépense supplémentaire, dans la mesure nécessitée par la propreté et les convenances, sinon même par l’élégance. Ils avaient raison, et moi j’avais tort sur un détail qu’on ne saurait trop négliger impunément.

Mais je reviens au début de mon histoire et à mon esquisse de la vie qu’on mène à Oxford.

À une heure avancée d’une nuit d’hiver, dans