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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

ils en furent touchés jusqu’aux larmes, bien qu’ils eussent été poussés au plus haut point d’irritation par la conduite que nous avions adoptée, mon frère et moi, conduite qui paraissait accuser chez eux un certain manque de jugement, le défaut de bonté raisonnable.

Ces lettres ont été conservées, je l’espère, quoique depuis longtemps il m’ait été impossible de les voir. En y pensant, ainsi qu’à leur mérite extraordinaire, j’ai été amené à croire que dans chaque ville pourvue d’un bureau de poste, bien des fois chaque mois, il passe quantité de lettres admirablement écrites, par des femmes plutôt que par des hommes : non que les hommes ne soient capables de bien écrire une lettre, mais parce que les femmes mettent plus de leur cœur dans ce qu’elles écrivent.

La même cause qui fait que les femmes écrivent de bonnes lettres, eut jadis pour effet de rendre la diction des dames romaines plus pure que celle des orateurs ou des hommes qui, par profession, cultivaient la langue romaine ; cette même cause agit à une autre époque, à la cour de Byzance ; et on lui dut la conservation de la langue maternelle, dans les chambres de nourrices et les salons du palais, pendant qu’elle se corrompait dans l’éloquence judiciaire et académique, dans les modèles de la chaire et du trône.

Quant au désir qu’avait Pink de revoir l’Angleterre, il avait été en partie satisfait pendant une certaine période de son long exil : deux fois, comme nous l’apprîmes fort longtemps après, il avait débarqué en Angleterre, mais sa hautaine obstination dans ses projets, et la peur qu’il avait, par suite, d’être découvert et réclamé par ses tu-