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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

gnes de bêtes. Oui, je puis leur appliquer une épithète plus sévère que celle de châtiment bestial, car pour peu qu’un homme ait de bonté, il évitera de recourir à l’éperon pour son cheval, et au fouet pour son chien. Mais quand il s’agit l’homme, il ne veut pas se laisser toucher ou gagner par des moyens conciliants, par des moyens dont l’emploi suppose d’avance qu’on veut le traiter en créature douée de raison, alors qu’on l’abandonne, qu’on le laisse mourir dans sa bassesse Mais que ni moi, ni l’homme qui aura cet être en son pouvoir, nous ne le déshonorions en lui infligeant des châtiments, en outrageant cette image de la nature humaine qui est, non pas par une vague figure de rhétorique, mais d’après un religieux principe de devoir, une chose sacrée aux yeux de tous les honnêtes gens, car l’Ecriture exalte à dessein la personne humaine, en exprimant l’idée que c’est là le temple de l’Esprit saint. Et nous pouvons avoir la certitude, ou une certitude aussi grande que celle du jour ou de la nuit, que l’homme devient d’autant plus digne d’honneur, d’élévation, de confiance qu’on lui témoigne plus de respect, de déférence, de confiance. Or ce maître d’école professait des opinions bien différentes sur l’homme et sa nature. Il ne se bornait pas à croire que la contrainte physique est le seul moyen qu’on puisse employer pour diriger l’homme, de plus conformément au principe d’après lequel deux écoliers se rencontrant pour la première fois, et étant de force à peu près égale, ils ne seront pas tranquilles tant qu’ils ne se seront pas loyalement mesurés, et pour décider lequel des deux est le maître, — d’après ledit principe, il s’imaginait qu’aucun écolier ne pouvait profes-