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DU MANGEUR D’OPIUM

son lit, et en prenant cette précaution, il avait en vue surtout les tentatives de vol. Or, si au temps dont je parle, vous aviez adopté le système d’inspection du Maréchal dans les plus grands hôtels de l’Angleterre, qu’auriez-vous vu ? Sans l’ombre d’un doute vous auriez aperçu quelque chose qui méritait votre vénération à raison de son ancienneté je veux dire une épaisse couche de poussière beaucoup plus âgée que vous. Un auteur étranger a fait quelques expériences sur la manière dont se forme un dépôt de poussière, et le temps qu’il met à augmenter, dans une chambre où elle est parfaitement en repos. Si je m’en souviens bien, un siècle produit une couche d’environ un demi-pouce d’épaisseur. Partant de là, je conjecture que la plus grande partie de la poussière que j’ai vue dans les hôtelleries pendant les quatre ou cinq premières années du siècle, doit dater du règne de Georges II.

Néanmoins, c’est sur les voyageurs qui se servaient des diligences, que portait dans sa totalité le poids écrasant du vieux système et de ses vices. Scaliger l’ancien rapporte comme un trait caractéristique des Anglais de son temps l’horreur les ablutions à l’eau froide. Nulle part, lui et les étrangers qui l’accompagnaient ne purent obtenir le luxe de l’eau froide pour se laver les mains, soit avant soit après le dîner. Un jour, lui et son escorte dînèrent chez le Lord Chancelier. « Cette fois, se dit-il, on n’aura pas l’effronterie de nous refuser les moyens de nous laver. » Pas du tout : le Chancelier regardait cette nouveauté exotique du même œil soupçonneux que les autres. Néanmoins, sur les instances de Scaliger, il donna l’ordre d’apporter de l’eau froide dans un bassin