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DU MANGEUR D’OPIUM

voitures publiques, c’est que pour une étape de vingt un milles, de Newark à Sleaford, on refusa de nous laisser continuer notre route avec moins de quatre chevaux. Ce n’était point par esprit de tromperie, comme nos yeux ne tardèrent pas à nous en convaincre : quatre chevaux arrivèrent à grand’peine à dépêtrer notre chaise de poste des ornières profondes qui sillonnaient la route sur des parcours de deux ou trois milles, les unes après les autres, cela n’était pas davantage imputable au temps qu’il faisait. En toute saison, il fallait en passer par là, comme le vit ma jeune protectrice lorsqu’elle me ramena à la maison, dans la belle saison. Ello avait toujours vu la route dans cet état-là.

L’Angleterre de cette époque (1794) présentait bien des cas analogues. Aujourd’hui, il n’y a dans toute l’Angleterre qu’une seule station où un voyageur, si lourds que soient ses bagages, se voie obligé de prendre quatre chevaux ; c’est celle d’Ambleside, en allant tout droit par Carlisle. La première étape, jusqu’à Patterdale franchit la montagne de Kirkstone, et non seulement la montée est pénible (car elle continue avec de rares interruptions, pendant plus de trois milles) mais encore à certains endroits, il faut gravir des pentes trop raides pour que l’art de l’ingénieur ait pu les graduer, et en outre, la route est trop peu fréquentée pour fournir à la dépense qu’exigerait son aplanissement.

Ce ne fut que depuis 1815 que, s’accomplit le grand progrès dans le système de voyager en Angleterre, en ce qui concernait la vitesse. En réalité, nous en sommes redevables à M. Mac Adam. En peu d’années, toutes les routes d’Angleterre furent