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rement cela vaut peut-être mieux, car madame de Quincey en eut fait quelque épouvantable méthodiste au lieu du conteur spirituel et érudit qu’on retrouve à chaque page des Souvenirs autobiographiques.

Il serait déplacé de réécrire ici le récit détaillé de l’enfance de Thomas de Quincey. Ce qu’il faut indiquer, c’est le vif intérêt qu’offre à des Français le récit de l’expédition Humbert en Irlande. Comme le rapporte le Mangeur d’opium, il parcourait ce pays au moment où les souvenirs de l’occupation française vivaient encore dans tous les esprits. Il put causer avec ceux qui avaient été les hôtes plus ou moins volontaires d’Humbert et de ses lieutenants.

Quand plus loin il explique le système d’organisation de l’université d’Oxford, il n’est pas moins intéressant, car on a trop parlé chez nous de l’éducation anglaise, des collèges anglais, pour ne pas écouter avec profit un homme qui en a fait l’expérience personnelle.

Cet intérêt, ce charme de ses récits ont rendu Quincey suspect à bien des lecteurs. Il y a toute une école qui prétend que son imagination seule écrivait, que, dégénéré supérieur et monomane de l’opium, il avait perdu la mémoire par suite de l’intoxication. Ceux qui soutiennent cette thèse s’appuient sur les affirmations du docteur Pichon qui a cru remarquer la perte de mémoire comme un trait caractéristique du morphiné. Mais le docteur Bail s’est, chez nous, inscrit en faux contre cette affirmation. Il a constaté dans ses savantes leçons que la mémoire demeurait intacte chez les intoxiqués d’opium et a déclaré qu’il ne fallait pas confondre la perte de la mémoire accidentelle chez quelques-uns comme conséquence de l’engourdissement général du mot avec les phénomènes ordinaires chez les intoxiqués morphiniques.