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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

belle à Gorey jusqu’au 9 juin. Alors elle se mit en marche, forte de 27.000 hommes, ce qui semblait lui assurer une supériorité écrasante. Mais quelle leçon éloquente sur les dangers du renvoi des affaires au lendemain. Le matin même du 9 juin, l’entreprise était devenue d’une exécution impossible. Jusqu’à ce moment-là, la place avait été abandonnée par tous ses habitants, du premier au dernier. Le 9 juin même, l’ancienne garnison y avait été renvoyée de Wicklow, et renforcée par un excellent régiment anglais, (les volontaires de Durham) auquel échut en grande partie la tâche de la défense, tâche particulièrement ardue, à cause du grand nombre des assaillants, mais tâche brillante, et couronnée d’un succès complet.

Cette affaire d’Arklow, où l’on combattit avec tant d’obstination et d’acharnement, fut de l’avis de tous, le point sur lequel tourna l’insurrection. Près de 30.000 hommes, ayant tous des piques, 5.000 d’entre eux armés de fusils, et soutenus par l’artillerie assez bien servie pour causer grand dommage aux points les plus importants de la ligne de défense, ne pouvaient être battus sans une lutte des plus sérieuses. Ici encore, il vaut la peine de rappeler que le général Needham, qui commandait ce jour-là, aurait suivi l’exemple des généraux Fawcet et Loftus, et ordonné la retraite s’il n’avait pas rencontré l’opposition du colonel Sherrer, de la milice de Durham. Telle était l’imbécilité, en quelque sorte uniforme, tel était le manque de courage moral, chez les chefs militaires, car il serait injuste d’attribuer même au plus faible de ces chefs une infériorité au point de vue du courage physique. Par exemple le général Needham paya amplement de sa personne pendant toute