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DU MANGEUR D’OPIUM

raison pour ne pas prendre des précautions ? On n’en prit donc aucune, et à sept heures, quand on s’aperçut que la chose était vraie, l’armée royale fut déployée en toute hâte et en grand désordre pour faire face à l’ennemi. D’autre part, les Français, nous voyant en force, ne s’attendaient guère qu’à être réduite à une capitulation sommaire, d’autant plus que notre artillerie était bien servie, et qu’elle ne tarda pas à éclaircir leurs rangs. Ils commencèrent à espérer, comme ils le déclarèrent plus tard, en remarquant que la plupart des troupes tirait d’une manière désordonnée, sans attendre le signal des chefs. Aussitôt ils prirent de nouvelles dispositions. En quelques minutes, une panique se produisit, et en dépit de tous les efforts des officiers, l’armée entière prit la fuite. Le général Lake ordonna la retraite, et dès lors la déroute devint irrémédiable. Les troupes atteignirent Tuam, à trente milles de distance, le même jour, et un petit groupe de cavaliers poussa même le lendemain jusqu’à Athlone, qui est à plus de soixante milles de Castlebar. Quatorze pièces de canon furent perdues dans cette affaire. Néanmoins il faut rappeler qu’on eut dans la suite de sérieux motifs de soupçonner une trahison ; un très grand nombre de ceux qui avaient été portés manquants, après la première bataille, furent plus tard revus dans les rangs de l’ennemi, et alors chose assez remarquable, et qui prouve peut-être que n’inspirant pas une entière confiance à leurs nouveaux alliés, ils étaient toujours placés aux postes les plus dangereux, ces déserteurs périrent jusqu’au dernier.

Pendant ce temps, le Lord Lieutenant, qui avait toujours le pied à l’étrier, quittait Dublin sans un