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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

et contraignît les deux chambres à se déclarer perpétuelles. Naturellement ils se seraient donné un air contrit, pour ne pas se contredire, mais je me figurais qu’intérieurement ils auraient ri. Lord A. j’en suis certain, croyait, — et c’était l’opinion des foules, — que le sort de l’Irlande serait amélioré par les avantages commerciaux qui lui seraient accordés comme faisant partie intégrante de l’Empire, qu’elle aurait des profits qu’elle n’avait pas comme royaume indépendant. Je ne doute point que cette attente n’ait été réalisée. Mais on peut se le demander : est-ce qu’on n’eût pas pu assurer à l’Irlande une large part de ces bénéfices, en la laissant telle qu’elle était ? Dépendaient-ils en quoi que ce fût du sacrifice de son Parlement séparé ?

Quant à moi, je croîs que les motifs de M. Pitt, en insistant sur l’Union législative étaient, dans une faible proportion peut-être, le désir assez noble d’attacher son nom aux changements historiques de l’empire, de le voir gravé non point sur les événements aussi fugitifs, aussi sujets à l’oubli que ceux de la paix ou de la guerre, mais sur les rapports définitifs des parties qui le composaient. Un motif qui, selon moi, tenait plus de place dans ses pensées, c’était un motif de politique au jour le jour, le désir d’en finir avec les intolérables ennuis d’un double Cabinet et d’un double Parlement. Dans un gouvernement comme le nôtre, où les soucis sont d’un poids toujours accablant, il est certainement très fatigant d’être dans la nécessité de solliciter une mesure par de la diplomatie et les influences et d’avoir à le faire deux fois, sur deux équipes indisciplinées, et non sur une seule. Il faut admettre aussi que ni la diplomatie,