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CONFESSIONS

temps difficiles, aux époques d’effervescence, un fils du tonnerre, qui regarde en face tous les ennemis, et qui relève un défi, alors même qu’il lui serait facile de l’éviter. Cet vers étaient de Richard Baxter, qui se battit souvent avec des orages qu’il avait crées lui-même, depuis l’aurore de la guerre parlementaire en 1642, pendant la période de Cromwell, qui le détestait cordialement, et enfin jusque sous les règnes timides de Charles II et de Jacques II. Comme orateur religieux, il était peut-être le Whitfield du xviie siècle, le Leuconomos de Cowper.

Voici comment il décrit l’ardeur passionnée de sa prédication :

« Je prêchai comme sûrement je ne prêcherai plus, »

cela est déjà quelque chose, mais la suite est un coup de tonnerre.

« Et comme un homme qui meurt, à des hommes qui meurent. »

Ce distique, qui me paraissait de l’or en barre, pas tant par son éclat que par sa pesanteur, dévoilait un autre aspect de l’Église catholique, et la révélait comme une Église de soldats et de croisés.

Par là je ne veux point pourtant signaler une imperfection positive chez mon tuteur. Lui et Baxter avaient été placés par le hasard dans des générations différentes. Le siècle de Baxter, du commencement jusqu’à la fin, était révolutionnaire. Pendant toute la durée de ce xviie siècle, les grands principes du gouvernement représentatif et les droits de la conscience[1] traversaient les épreuves douloureuse de la résistance et d’une dure expérience. Mais de mon temps, à la fin du xviiie siècle, il est vrai que tous les élé-

  1. Les droits de la conscience. — Il est pénible de constater que Baxter n’avait aucun goût pour eux. Il qualifiait la tolérance religieuse « le meurtre des âmes ». Et quand on lui objectait que c’était à l’intolérance religieuse qu’il devait ses plus cruelles souffrances. Il répondait : « Ah ! les cas étaient bien différents : j’avais raison, tandis que l’immense majorité de ceux qui profiteront de cette nouvelle invention qu’on nomme tolérance, sont dans une erreur révoltante. »