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XXXI
PRÉFACE DE LA DERNIÈRE ÉDITION

intéressés : l’imprimerie s’est plainte de mes fréquentes visites, les compositeurs frissonnent à la vue de mon écriture, bien qu’on ne puisse l’accuser d’être illisible, et j’ai bien des motifs pour craindre que dans les jours ou mes souffrances m’accablaient de leur poids le plus lourd, il n’en soit résulté un certain affaiblissement dans la clarté de mon coup d’œil critique. Je puis avoir laissé échapper bien des bévues, des erreurs, des répétitions de faits ou même de mots. Mais plus souvent encore j’ai pu me tromper en appréciant les effets réels, dans l’ordonnance inexacte du style et des couleurs. Ainsi parfois la lourdeur et l’enchevêtrement des phrases a pu détruire l’effet d’un détail qui, représenté naturellement, aurait été pathétique ; il a pu arriver au contraire que, par une légèreté inopportune, j’ai éloigné la sympathie de mes lecteurs — de tous ou de quelques uns. Mille occasions ouvrent la porte à des erreurs de ce genre, c’est-à-dire à des erreurs qui n’apparaissent pas évidemment telles. Quelquefois même il s’agit d’une faute incontestable ; on la voit, on la reconnaît, on peut l’effacer par un soudain et vigoureux effort, dont l’occasion ne reviendra pas lorsque par exemple l’épreuve est devant vous pour vingt minutes, prête à recevoir une modification, après quoi elle sera reprise et signée sans appel, — toutes ces circonstances étant réunies, l’humanité du lecteur pardonnera la faiblesse qui laisse passer une erreur dont on a nettement conscience, lorsque la correction qui la ferait disparaître exige un effort, à l’instant même ou la souffrance s’exaspère, lorsque surtout cette pot-rection en impose cinq ou six