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Il est évident, d’après la beauté de son écriture, qu’il était lettré. L’usage qu’il fait du latin à plusieurs reprises en est une autre preuve. Il avait achevé au moins ses classes de grammaire, soit dans une université, soit aux écoles épiscopales de Cambrai. La grammaire était la première branche du trivium, qui comprenait en outre la rhétorique et la dialectique. Ce ne serait pas trop hasarder, que de prétendre Villard de Honnecourt instruit de tout cela, attendu qu’il avait fait certainement son cours de science ou quadrivium, et que, par la manière dont les auteurs de la fin du XIIe siècle, parlent du trivium et du quadrivium, il semble que le premier ait été l’introduction indispensable du second. L’instruction classique de Villard aurait donc été celle des gradués qui portèrent plus tard le titre de maître ès arts. Néanmoins il est à remarquer que, faute d’exercice, il s’était considérablement rouillé sur son latin.

Il paraît avoir été curieux de l’étude de la nature. Sa mémoire était ornée de tous les on-dit dont la science zoologique se composait alors exclusivement. L’une des figures de lion signalées précédemment donne lieu à notre auteur de rapporter le fait suivant.

De l’ensaignement del lion vous vel-ge parleir. Cil qui le lion doctrine, il a ij. chaiaus, quant il velt le lion faire faire aucune coze, se li comande. Se li lions groigne, il bat ses kaiaus :dont a li lions grant doutance, qant il voit les kaiaus batre, se refraint son corage et fait ço con li comande. Et s’il est coecies, sor ço ne paroil mie ; car il ne feroit por nelui ne tort ne droit (fol. 24 r.).

« Je veux vous dire quelque chose de l’éducation du lion. Celui qui dresse le lion a deux petits chiens. Lorsqu’il veut faire faire quelque chose au lion, il lui dit son commandement. Si le lion grogne, il bat ses petits chiens. Or le lion a si grand peur à voir battre les petits chiens, qu’il réprime son humeur et fait ce qu’on lui commande. Je ne parle pas du cas où il serait en colère, car alors il ne céderait ni par mauvais ni par bon traitement. »

A la page suivante, il donne cette explication au-dessus du dessin, fort peu réussi, d’un porc-épic :Vesci un porc espi. C’est une biestelete qui lance se soie quant elle est corecie. « Voici un porc-épic. C’est une petite bête qui lance ses soies quand elle est en colère. »

Enfin il donne en terminant son manuscrit une instruction qui ne me semble convenir qu’à la confection d’un herbier :Cuellies vos flors au matin, de diverses colors, ke l’une ne touce à l’autre. Prendés une manière de piere con taille à ciziel, qu’ele soit blance, molue et deliie. Puis si metais vos flors en ceste poirre, cascune manière par li. Si duerront vos flors en lor colors. «