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le plus fort. Bref, tant de contradictions, d’impossibilités et d’incertitudes me font conclure que ce conte de la Licorne est une fiction pareille à celle de la fontaine de jouvence et autres choses impossible que l’esprit humain s’est proposé pour avoir de quoi contenter son imagination, bien qu’elles n’aient été ni ne puissent jamais être réduites en actes.

Le second [orateur] dit :

la faiblesse de l’esprit humain étant telle qu’a peine connaît-il es proches objets de ses sens et ne parvient jamais aux différences des choses : ce n’est pas merveille s’il doute des choses plus éloignées, telles que sont le Phoenix, le Basilic, le Satyre, la Licorne et autres choses de cette nature, et si la vérité des choses étaient ébranlée par de fausses croyances que d’autres auraient eu, il n’y aurait point de Médecins, pour ce qu’il s’est trouvé fort ignorants, point de droit, pour ce que beaucoup ne savent pas, point de véritable déluge, pour ce que les Poètes ont feints celui de Deucalion et Pirrha55, point de vraie religion, pour ce que les païens et tant d’autres en ont une fausse. Au contraire, disons que comme les Romans de Charlemagne ont été bâtis sur la vérité de ses admirables exploits, ainsi il est croyable que les merveilleux effets de la corne de Licorne ont donné sujet aux grands et petits d’en parler et n’en sachant pas la vérité, d’en feindre plus qu’il n’y en avait56. Encore que l’objection qu’on tire de la variété des descriptions de la Licorne, et même de celle qui se rencontre en ces cornes, bien qu’on demeure d’accord que d’environ une vingtaine57 qui se trouve dans les trésors des Princes et Etats de l’Europe, il n’y en ait pas deux entièrement semblables ne soient pas concluantes puisque la même chose se pourrait dire de la plupart des autres animaux, lequel selon la diversité des climats changent de couleurs, et souvent de forme et en un même lieu se trouvent différents selon les ages. Ainsi celui qui ne connaîtrait un barbet de manchon que par la description qu’on lui en aurait faite ne le croirait jamais être de même espèce qu’un mâtin ou un dogue, cependant l’un et l’autre sont des chiens. L’erreur est aussi fort excusable aux auteurs qui ont traités de la Licorne, tant pour ceux que plusieurs d’entre eux, comme Aristote, ont pris le mot Monoceros du grec comme celui d’unicornis en Latin pour un nom adjectif qu’ils ont attribués à toute sorte d’animaux qui n’ont qu’une corne, comme il s’en trouve plusieurs58. Ainsi on appelle bicornes et tricornes tout ceux qui en portent deux ou trois, comme il s’en trouve de l’une l’autre sorte entre