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elles éraient la gloire et la leçon ; ainsi les éloges des maîtres que la mort nous a ravis, et les portraits que nous en reproduisons, deviennent pour les élèves d’utiles objets d’émulation et d’honorables monumens pour l’histoire des arts.

Si cet usage eût existé jadis, nous aurions une sorte de chronologie de ces arts qui en eût conservé les traditions, qui eût rapproché les distances, que la manque de notions historiques n’augmente que trop entre les générations. Il se serait établi comme une espèce d’ère particulière en ce genre. Chaque distribution de prix eût été comme une sorte d’olympiade nouvelle, et les noms des artistes loués ou couronnés qui s’y seraient attachés auraient propagé d’utiles souvenirs et fait revivre d’intéressantes époques. Ainsi le jeune architecte couronné dans cette séance, s’il se rappelle à la fin de sa carrière d’avoir assisté l’éloge de M. Chalgrin, qui aurait pu être son maître, se souvenant que Servandoni fut celui de M. Chalgrin, embrassera dans sa pensée la durée d’un siècle et demi, et pourra se regarder, selon ce nouvel ordre généalogique, comme descendant à la seconde génération d’un des plus célèbres architectes du XVIIIe siècle.

Le nom de Servandoni, qui s’associe à celui de M. Chalgrin, nous reporte, comme vous le voyez, Messieurs, à une époque qui n’est pas sans intérêt dans l’histoire de l’architecture et celle des arts, à laquelle il me semble que nous devons nous étudier à rattacher, autant qu’il est possible, celle des artistes. L’histoire de l’artiste n’est ordinairement rien en elle-même : elle est toute dans ses ouvrages et dans les circonstances ou les causes qui ont influé sur la direction de son goût. Sa vie commence et finit avec ses études et ses travaux. Aussi trouverais-je peu de chose à vous dire de M. Chalgrin avant l’instant de la naissance de son talent, si ce n’est que, né de parens pauvres, en 1739, il eut l’honneur de ne devoir ses progrès qu’à lui-même, à sa persévérance dans le travail, et à ses heureuses dis-