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mêlés virent le jour dès que l’édifice sortit de terre. Chacun des deux avait un projet différent : M. Raymond avait orné son arc de colonnes engagées ; M. Chalgrin avait disposé dans le sien des colonnes isolées, c’est-à-dire adossées. Au lieu de décider entre les deux dispositions, on décida que l’arc serait sans colonnes. Deux nouveaux projets suivirent. Je ne vous rendrai pas compte, Messieurs, de tous les débats que fit naître cette pomme de discorde, de toutes les consultations qui eurent lieu. Il n’y a pas de procès plus interminables que ceux où, en matière de goût, on soumet des hommes de talent au jugement d’autres hommes de talent. Cercle éminemment vicieux. Le choix déja fait d’un architecte dont le mérite est éprouvé, le constitue juge de ce qu’il y a de mieux à faire. Quel titre a de plus celui qu’on lui donne pour juge, à supposer encore qu’il n’ait ni intérêt ni envie ? Disons que c’est là le vrai moyen, non pas de faire, mais d’empêcher de faire des monuments. Enfin, M. Raymond obtint de sortir du concours ; et M. Chalgrin, qu’on exécutât, en charpente et en toile, peinte, le modèle de son projet, sur le lieu-même. Vous vous souvenez, Messieurs, du majestueux effet de cette masse gigantesque qui dominait Paris de toute part, et promettait un de ces ouvrages capables de porter le défi à tous ceux de l’antique Rome et à tous ceux de l’antique Égypte.

C’est sur ce modèle qu’a marché, d’abord sous la direction de M. Chalgrin, et après lui, sous celle de M. Goust, son élève, l’exécution d’un monument dans lequel la noblesse de la masse et des détails, la dureté de la pierre, la beauté de l’appareil, la solidité de la construction, font virement desirer qu’une consécration nouvelle assure à la France l’achèvement du plus grand ouvrage d’architecture qui ait jamais existé en ce genre.

Car nous ne craindrons pas de le répéter, la grandeur physique est une des principales causes de la valeur et de l’effet de l’architecture. La raison en est que le plus grand nombre des impressions produites par cet art tiennent au sentiment de