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DE LA NATURE

de la chose imitable, redevient en quelque sorte la chose elle-même ; et il nous a paru que la vraie raison de ce manque de plaisir, étoit dans l’état d’inaction où la laisse tout ouvrage réputé imitatif, qui ne donne aucun exercice à la faculté de comparer.

Par suite de cette observation, ou si l’on veut de ce fait incontestable, il sera vrai que tout ouvrage d’art, sans tomber dans l’identité matérielle, mais seulement conçu dans son esprit, et exécuté de manière à ne reproduire que l’idée de la réalité positive d’un modèle individuel, présentant à l’ame peu de rapports à combiner, peu de distances à rapprocher, exercera peu la faculté qu’elle a de comparer, et lui procurera la plus petite somme de plaisir.

Dès-lors que le grand nombre de rapports à combiner, de rapprochements à opérer, est ce qui donne le plus d’activité à la faculté de l’ame qui jouit des ressemblances, par les comparaisons qu’elle fait, il sera certain que la plus grande somme de plaisir résultera, pour elle, de l’ouvrage ou du genre d’imitation, qui offrira à l’art et à l’ame le plus de parallèles à faire et sur les points les plus éloignés.

Ce plaisir, ou si l’on veut ce travail de comparaisons, provient dans la jouissance que chaque art procure à l’ame, non seulement de la distance qui sépare les éléments du modèle, des éléments de l’image, mais aussi de la multiplicité de leurs rappro-