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eu l’occasion de comparer aux impressions froissées, rompues, incohérentes que font éprouver les collections nombreuses, la sensation pleine, tranquille et entière qui naît d’un bel ouvrage, vu seul dans un local approprié à son objet. Je comparerais volontiers les cabinets et les collections nombreuses d’ouvrages de l’Art, quant aux effets que l’âme en reçoit, à ces sociétés vaniteuses, à ces rendez-vous tumultueux de la galanterie moderne, où l’on va plutôt pour briller que pour plaire, et où la beauté elle-même s’inquiète plus d’être admirée que d’être aimée. Là, tous les sentimens s’éparpillent sur trop d’objets pour qu’un seul nous touche : du moins on conviendra que si ces rassemblemens peuvent quelquefois faire naître de véritables passions, jamais ils ne sauraient en être le théâtre. L’amour fuit ces lieux de distraction ; il lui faut le silence de la solitude pour se concentrer dans la jouissance d’un objet unique.

Telle est la vertu infinie de la beauté, que ce seul objet est encore trop pour notre âme ; elle n’y peut suffire : mais au moins cette idée nous échappe, et ne saurait arriver jusqu’à nous, en présence d’un seul objet. Ce qui nous en fait rechercher la jouissance que nous pensons être capables d’embrasser dans son ensemble, et d’en embrasser