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célèbre, est un monument qui tire son effet des causes morales dont j’entends parler ici. Qu’on se garde de toucher à cet ensemble, de le décomposer, de le déranger. Rien de plus facile que de lui ôter la valeur de monument, et cette consécration du temps, et ce caractère auguste, qui fait d’une série de tableaux un corps d’histoire, et le dépôt des événemens d’un siècle. Je me retrouvais jadis, en entrant dans cette galerie, au milieu d’un monde qui n’est plus ; je me croyais contemporain de cet âge dont l’Art, tout à la fois rival de l’histoire de la poésie, me retraçait les actions et les personnes. Qu’il faut peu de choses pour détruire ce charme, et convertir un monument de la peinture en un magasin de tableaux !

Mais je le demande, où retrouver ailleurs qu’au palais Buonaroti, à Florence, le charme que fait éprouver, dans la maison même de Michel-Ange, cette belle galerie que l’admiration et la reconnaissance de ses disciples ont décorée de tous les traits de sa vie ? Qu’on suppose ailleurs ces tableaux, quelques cadres qu’on leur donne, de quelque verni qu’on les fasse briller, à quelque beau jour qu’un les expose, feraient-ils l’effet qu’ils font, ne perdraient-ils pas ce qui en est la vie, séparés de ce local, où quelques meubles et quelques ouvrages