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doit, d’une part, le pouvoir de mieux exprimer la beauté, et le spectateur, de l’autre, celui d’en éprouver plus fortement les impressions. Car de quoi peut-il être question ? et quelle réalité serait supérieure à d’aussi efficaces illusions ? Certes, ce qu’il y a de géométrique dans la beauté, n’est pas ce qui nous touche le plus, et ceux qui en sont frappés par ce côté là, sont ceux qui le sont le plus légèrement. Ses impressions infinies et indéfinissables, sont celles qui s’adressent au sentiment ; or combien de choses matériellement étrangères à un objet le sentiment ne sait-il pas y décourir ? L’amour nous en fournit assez de preuves. Le même objet nous paraît-il aussi beau, quand le feu de la passion est éteint, que lorsqu’il brûlait en nous ? Et qui peut dire si l’on doit à la passion de voir ce qui n’existe pas dans l’objet aimé, ou si c’est l’absence de passion qui nous prive d’y voir ce qui véritablement y existe ?

La moitié du pouvoir de la beauté réside donc dans les facultés de celui qui en reçoit les impressions. Nous coopérons donc nous-mêmes à son action sur nous. Si de froids motifs nous amènent devant les ouvrages de l’Art, nous en attendrons vainement de vives émotions, et si ces ouvrages ne sont plus les ministres ni les organes d’affections