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ouvrages de l’Art avec leurs causes extérieures, avec les circonstances morales, avec l’accessoire de tous les rapports intellectuels auxquels est lié leur effet, s’il est vrai que de cette liaison dérive la plénitude de leurs impressions.

Qui ne sait aujourd’hui ce que peut, pour ajouter aux charmes même de la peinture, le charme moral du sujet mis et considéré en intelligence, avec toutes les impressions accessoires ou locales qui lui appartiennent ? qui n’a point éprouvé la vertu magique de cette harmonie sentimentale ? et qui n’a pas eu l’occasion de faire l’expérience du désenchantement dont je parle ?

Y a-t-il un secret pour rendre leurs douces et mélancoliques affections à ces scènes jadis si touchantes, alors qu’elles ornaient les murs sacrés de cet asyle impénétrable aux désirs terrestres, sombre retraite où de pieux solitaires, transfuges de la terre, et déjà citoyens du ciel, morts vivans pour l’éternité, chantaient, dans le silence des tombeaux, l’oubli du monde et des vanités humaines ? Divin Le Sueur, vous qu’un souffle céleste inspira dans ces religieuses peintures, la main jalouse du temps chaque jour les traces de votre génie, et chaque jour menaçait du danger de les voir périr ces lieux mêmes qui leur don-