Page:Quatremère de Quincy - Considérations morales sur la destination des ouvrages de l’art, 1815.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(104)

et les effets accessoires d’une illusion extérieure à l’ouvrage. C’est qu’en eux il y a un ressort plus actif que la réalité, le ressort imaginatif qui éloigne toutes les contradictions, qui dispose de toutes les circonstances, qui les fait ou les refait et sait donner à tous les tableaux, le cadre moral qui leur convient.

Mais cet effort d’une imagination presque dégagée des sens ne doit pas s’attendre du plus grand nombre des hommes, chez lesquels l’imagination obéit plutôt qu’elle ne commande aux sens.

Je n’en croirai pas non plus, sur ce point, quelques artistes, qui supposent à tort, et désirent plus mal à propos encore au public cette faculté, que seuls ils peuvent avoir, d’apprécier dans l’ouvrage de l’Art les principes classiques de sa beauté, et les raisons qu’on peut rendre de sa perfection pratique. Il y a deux manières de goûter les ouvrages de l’Art. L’une consiste à jouir de leur effet par les moyens qui les produisent, c’est celle de l’artiste. L’autre, qui est celle du public, consiste à ne jouir de leurs causes et de leurs moyens que par leurs effets. De là, deux façons de vouloir envisager ces ouvrages. L’un demande qu’on mette à découvert toutes les causes, et qu’on lui présente,