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J’ai dit qu’il y a dans les beaux ouvrages de l’Art une vertu qui leur est propre, celle de faire travailler l’imagination. Cette propriété est si sensible en eux, que quelques métaphysiciens ont été jusqu’à prétendre que l’ouvrage n’était pas dépositaire de la beauté, mais seulement l’instrument ou le moyen propre à en réveiller en nous les images ; que, les empreintes du beau résidant au fond de notre âme, l’Art ne nous les communiquait point, mais les développait, et que le mérite des ouvrages parfaits consistait en cela seul, qu’ils opéraient en nous cette représentation intellectuelle, opération dont les ouvrages défectueux étaient incapables. Vaine subtilité, comme l’on voit, qui, ainsi que beaucoup d’autres du même genre, se réduit à une transposition d’idées, si ce n’est peut-être à un jeu de mots.

Ce qu’on peut affirmer toutefois, c’est qu’elle est souvent peu sensible, la limite qui, dans les ouvrages de l’Art, sépare les impressions positives des impressions relatives, sépare les qualités qu’on peut définir de celles qui sont indéfinissables, sépare ce qui est réel pour nos sens de ce qui ne l’est que pour l’imagination et par elle.