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tiques ; n’en sera pas moins piquante, et trop piquante sans doute pour celui qui verra montrer au grand jour les enfants méconnus d’une muse trop long-temps prostituée. L’agioteur qui fait de la littérature métier et marchandise, aura peut-être à rougir à l’inspection de son bilan littéraire, tandis que le vrai savant ne pourra se défendre d’un noble orgueil en retrouvant fidèlement énumérés tous ses titres à la gloire et à la reconnaissance de ses concitoyens.

Il faut l’avouer, si jamais la France n’a possédé plus de ces hommes désintéressés, dont, tous les travaux tendent à l’amélioration et au bien-être de leurs semblables, en même temps qu’à l’exaltation de leur patrie, jamais aussi elle n’a compté autant de courtiers littéraires. Nous avons senti combien nos louanges seraient restées au-dessous des premiers, et nous attendons de la juste indignation de quelques grands écrivains, des paroles flétrissantes pour ces Crésus qui se disent auteurs de livres acquis de talents encore ignorés ; pour ces écrivains qui n’aspirent à une réputation que pour la vendre à prix d’or, en accolant leurs noms à des entreprises mercantiles, dont ils ne revoient pas même les épreuves ; pour ceux qui, annonçant avec pompe d’utiles entreprises, en abandonnent les rênes à des mains inhabiles ; pour ceux qui lancent dans le monde de plats écrits de leur façon sous le nom des plus célèbres littérateurs étrangers, ou qui empruntant quelques productions estimables de ces mêmes auteurs étrangers, osent s’en prétendre les auteurs ; pour ceux, surtout, dont la souple faconde s’est échauffée ou refroidie en raison de l’élévation ou du déclin de l’astre qui les inspirait. Quant à nous, simple greffier dans ce grand procès, nous ne pouvons qu’en mettre, autant que possible, toutes les pièces sous les yeux du public, notre juge souverain, dont les arrêts sont sans appel.

Considéré comme bibliographie nationale, nôtre livre, d’un usage général et journalier, ne doit pas être confondu avec ces recueils qui embrassent les produits de l’art typographique de tous les lieux et de tous les âges, encore moins avec ceux qu’on publié pour satisfaire la ridicule passion d’un petit nombre de bibliomanes, qui, dans la composition de leurs bibliothèques, ont moins égard au mérite d’un ouvrage et à l’exactitude de l’édition qu’à la beauté de l’exemplaire, et même de la reliure, et qui souvent accordent moins de prix à un chef-d’œuvre qu’à un livre singulier.