Les dessins qui accompagnent les écrits de Ruskin
sont à ce point de vue très significatifs. Dans une
même planche, vous pourrez voir un même motif
d’architecture, tel qu’il est traité à Lisieux, à Bayeux, à
Vérone et à Padoue, comme s’il s’agissait des variétés
d’une même espèce de papillons sous différents cieux.
Mais jamais cependant ces pierres qu’il a tant aimées
ne deviennent pour lui des exemples abstraits. Sur
chaque pierre vous voyez la nuance de l’heure unie à
la couleur des siècles. « Courir à Saint-Wulfram d’Abbeville,
nous dit-il, avant que le soleil ait quitté les tours,
fut toujours pour moi une de ces joies pour
lesquelles il faut chérir le passé jusqu’à la fin. » Il alla
même plus loin ; il ne sépara pas les cathédrales de ce
fond de rivières et de vallées où elles apparaissent au
voyageur qui les approche, comme dans un tableau
de primitif. Un de ses dessins les plus instructifs
à cet égard est celui que reproduit la deuxième gravure
de Our Father have told us, et qui est intitulée :
Amiens, le jour des Trépassés. Dans ces villes d’Amiens,
d’Abbeville, de Beauvais, de Rouen, qu’un séjour de
Ruskin a consacrées, il passait son temps à dessiner
tantôt dans les églises (« sans être inquiété par le
sacristain »), tantôt en plein air. Et ce durent être
dans ces villes de bien charmantes colonies passagères,
que cette troupe de dessinateurs, de graveurs, qu’il
emmenait avec lui, comme Platon nous montre les
sophistes suivant Protagoras de ville en ville, semblables
aussi aux hirondelles, à l’imitation desquelles
ils s’arrêtaient de préférence aux vieux toits, aux
tours anciennes des cathédrales. Peut-être pourrait-on
retrouver encore quelques-uns de ces disciples
de Ruskin qui l’accompagnaient aux bords de cette