Page:Proust - À la recherche du temps perdu édition 1919 tome 7.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous vous acquittez à merveille de vos fonctions, dit celui-ci par timidité et pour tâcher de conquérir la sympathie générale.

Aussi jeta-t-il à la dérobée un regard de connivence sur ceux qui avaient déjà fait comme lui.

— Dites-moi, ma bonne tante, demanda M. de Guermantes à Mme  de Villeparisis, qu’est-ce que ce monsieur assez bien de sa personne qui sortait comme j’entrais ? Je dois le connaître parce qu’il m’a fait un grand salut, mais je ne l’ai pas remis ; vous savez, je suis brouillé avec les noms, ce qui est bien désagréable, dit-il d’un air de satisfaction.

— M. Legrandin.

— Ah ! mais Oriane a une cousine dont la mère, sauf erreur, est née Grandin. Je sais très bien, ce sont des Grandin de l’Éprevier.

— Non, répondit Mme  de Villeparisis, cela n’a aucun rapport. Ceux-ci Grandin tout simplement, Grandin de rien du tout. Mais ils ne demandent qu’à l’être de tout ce que tu voudras. La sœur de celui-ci s’appelle Mme  de Cambremer.

— Mais voyons, Basin, vous savez bien de qui ma tante veut parler, s’écria la duchesse avec indignation, c’est le frère de cette énorme herbivore que vous avez eu l’étrange idée d’envoyer venir me voir l’autre jour. Elle est restée une heure, j’ai pensé que je deviendrais folle. Mais j’ai commencé par croire que c’était elle qui l’était en voyant entrer chez moi une personne que je ne connaissais pas et qui avait l’air d’une vache.

— Écoutez, Oriane, elle m’avait demandé votre jour ; je ne pouvais pourtant pas lui faire une grossièreté, et puis, voyons, vous exagérez, elle n’a pas l’air d’une vache, ajouta-t-il d’un air plaintif, mais non sans jeter à la dérobée un regard souriant sur l’assistance.

Il savait que la verve de sa femme avait besoin d’être stimulée par la contradiction, la contradiction