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La métaphysique, qui nous donne la notion d’absolu, joint son témoignage aux autres, dès qu’il s’agit de faire entrer l’absolu dans la pratique, de le réaliser. Le MOI a beau faire : il ne peut s’approprier le non-moi, se l’assimiler et le fondre dans sa propre substance ; ils sont foncièrement séparés ; essayez de les confondre, ou de supprimer l’un des deux, ils s’abîment l’un et l’autre, et vous ne voyez plus rien.

Comment donc l’absolutisme propriétaire pourrait-il se justifier, devenir lui-même une loi ? Sans doute le moi a besoin pour se sentir d’un non-moi ; sans doute, ainsi que nous l’avons dit en commençant, le citoyen a besoin d’une réalité qui le leste et le pose, a peine de s’évanouir lui-même comme une fiction. Mais cela prouve-t-il que le non-moi appartienne au moi, et en soit le produit ; que la terre puisse être donnée au citoyen en propriété et domaine absolu ? Ne suffit-il pas qu’il obtienne la possession, l’usufruit, le fermage, sous condition de bonne administration et de responsabilité ? C’est ainsi que l’ont entendu, dans les commencements, les Germains, les Slaves, etc., et que le pratiquent encore les Arabes.

Ce qui fortifie ce préjugé, c’est que le Législateur le partage.

La propriété se définit ainsi d’après le Droit romain : « Dominium est jus utendi et abutendi re suâ, quatenùs juris ratio patitur ; le domaine est le droit d’user et d’abuser de sa chose, autant que la raison du Droit le souffre. » - La définition française revient à celle-là : « La propriété est le droit de jouir et de disposer