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pain, ni pour remplir mes devoirs civiques, ni pour ma félicité, de cette concession. Je n’ai pas besoin de la rencontrer chez les autres pour venir en aide à leur faiblesse et respecter leur droit. Je me sens assez d’énergie de conscience, de force intellectuelle pour soutenir dignement toutes mes relations ; et si la majorité de mes concitoyens me ressemblait, qu’aurions-nous à faire de cette institution ? Où serait le danger de tyrannie ? où le risque de ruine par la concurrence et le libre échange ? où le péril pour le petit, le pupille et le travailleur ? Où serait aussi le besoin d’orgueil, d’ambition, d’avarice, qui ne se peut satisfaire que par l’immensité de l’appropriation ?

Une petite maison tenue à loyer, un jardin en usufruit me suffisent largement : mon métier n’étant pas de cultiver le sol, la vigne ou le pré, je n’ai que faire d’un parc, ou d’un vaste héritage. Et quand je serais laboureur et vigneron, la possession slave me suffirait : la quote-part échéant à chaque chef de famille dans chaque commune. Je ne puis souffrir l’insolence de cet homme qui, le pied sur cette terre qu’il ne tient que par une concession gratuite, vous interdit le passage, vous défend de cueillir un bluet dans son champ ou de passer le long du sentier.

Quand je vois toutes ces clôtures, aux environs de Paris, qui enlèvent la vue de la campagne et la jouissance du sol au pauvre piéton, je sens une irritation violente. Je me demande si la propriété qui parque ainsi chacun chez soi n’est pas plutôt l’expropriation, l’expulsion de la terre. Propriété particulière ! Je rencontre