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sur lui-même. Cette double qualité est essentielle à la constitution de la liberté : sans elle tout édifice croule ; il faut revenir au principe policier et autoritaire. Où en est la moralité publique sur ce chapitre ?

Nous avons eu une réglementation de la boulangerie. Or, elle eût été inutile si le corps social avait été organisé de manière que le commerce et la fabrication du pain, la vente des blés fussent véridiques et probes ; ce qui n’a pas lieu et n’aura pas lieu tant que nos mœurs ne seront pas renouvelées. La réglementation, d’ailleurs, n’a jamais rien pu contre les effets d’un pacte de famine, aussi réel aujourd’hui qu’avant 89. On a réglementé la boucherie, qui vend des cadavres pour viande fraîche, des chevaux pour des bœufs ; réglementé les marchés : poids et mesures, qualité et quantité. Légumes, fruits, volailles, poisson, gibier, beurre, laitage, tout est tare, surenchéri. Il n’y a de remède que dans la répression, tant que la conscience publique n’aura pas été renouvelée, tant que, par cette régénération, le citoyen producteur et vendeur ne sera pas devenu son propre et plus sévère surveillant. Cela se peut-il, oui ou non ? La propriété peut-elle devenir sainte ? La condamnation, dont l’Évangile l’a frappée, est-elle indélébile ? Dans le premier cas, nous pouvons être libres ; dans le second, nous n’avons qu’à nous résigner ; nous sommes fatalement, et pour jamais, sous la double loi de l’Empire et de l’Église, et toutes nos démonstrations de libéralisme sont hypocrisie pure et surcroît de misère.