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conformément aux usages, ses six mois d’avance ; puis il appelle les peintres, décorateurs, tapissiers, appareilleurs pour le gaz, fabricants de bronzes, de lustres ; il meuble avec une même splendeur ses salons et sa cave, le tout à crédit. Observons d’abord cette différence : tandis que les fournisseurs accordent du terme, le propriétaire est payé par anticipation. Au bout de quelque temps, un an, dix-huit mois, l’entrepreneur de café tombe en faillite. Aucun de ses fournisseurs n’est payé ; chacun s’en vient pour reprendre qui ses candélabres et sa plomberie, qui ses divans, fauteuils, tables, chaises, qui ses vins, liqueurs et sirops, qui ses glaces, etc., trop heureux d’atténuer d’autant la perte. Mais ils ont compté sans le privilège du locateur, articles 2100 et suivants. Le propriétaire, qui n’a rien perdu, grâce à ses six mois d’avance, intervient et dit : J’avais le bénéfice d’un bail -avantageux sur lequel il reste encore dix-neuf ans à courir ; je doute que je trouve pareil loyer de mon immeuble ; c’est pourquoi, pour me garantir le produit intégral de mon contrat, je saisis tous les meubles, glaces, pendules, vins, liqueurs et objets quelconques qui garnissent les lieux ; je ne m’inquiète pis qu’ils soient ou non payés. Je suis propriétaire privilégie, tandis que vous êtes de simples marchands et fabricants ; la propriété immobilière est régie par le Code civil, et celle des produits et denrées par le Code de commerce. Libre a vous d’appeler vos marchandises et fournitures propriétés : la dénomination est simplement honorifique, pour ne pas dire usurpatoire.