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de personnes ou de castes ; si les conditions d’exploitation sont inégales, les grands propriétaires absorberont les petits, les gros entrepreneurs tueront les plus faibles, les privilégiés écraseront les non privilégiés : tel fut à Rome le sort de la possession plébéienne en face de la propriété patricienne ; tel fut plus tard, sous l’empire, le résultat de la lutte engagée entre les grandes exploitations à esclaves des nobles, contre les petits domaines cultivés par des mains libres ; telle, au moyen âge, fut la destinée des petits alleux, forcés, sous la pression des comtes, évêques, etc., de se convertir en précaires commandes et fiefs ; telle nous voyons aujourd’hui la mauvaise fortune des petits industriels écrasés par la concurrence des gros capitaux.

Si, au contraire, la protection de l’État est forte et garantie à chacun ; si, par un ensemble d’institutions libérales et par la bonne exécution des services publics, les conditions d’exploitation sont rendues égales ; si enfin, par un bon système d’instruction publique, les facultés personnelles sont rendues de moins en moins inégales, l’effet de la concurrence entre les propriétés se produira en mode inverse. Comme il est évident que, toutes choses égales d’ailleurs, le maximum de puissance de la propriété se rencontre là où la propriété est exploitée par le propriétaire, la lutte devient désavantageuse au grand apanager, favorable d’autant au petit. La grande propriété, en effet, requérant pour son service domesticité et salariat, ou fermage, deux succédanés du servage féodal, coûte plus,