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naturellement s’opposer de toutes ses forces. On a reproché à cette caste altière son avarice, sa cruauté, son fanatisme de privilège : il y a beaucoup de vrai en tout cela. Mais je ne trouve pas que l’on ait assez tenu compte aux patriciens d’une chose : ils défendaient des principes, et s’ils résistaient à ce que nous appelons aujourd’hui le progrès, et dont personne à Rome n’avait certainement l’idée, ils avaient pour eux la logique ; ils étaient les vrais conservateurs de la République. En ce qui concerne le sol, par exemple, les patriciens pouvaient dire que, la royauté ayant été abolie, le patriciat l’avait remplacée ; que la souveraineté était en lui, qu’il était donc naturel qu’ils eussent le domaine éminent ; qu’en conséquence, c’était à eux seuls que devaient revenir les terres conquises, comme autrefois elles eussent été dévolues au roi ; que les plébéiens ne pouvaient être que leurs tenanciers, leurs fermiers ; que les admettre, comme on faisait, ex œquo, avec les patriciens au partage de l’ager publicus, c’était renverser tous les rapports sociaux et politiques, faire du sujet l’égal du souverain ; que le titre de possession, donné à ces terres, était illusoire, puisque les concessions étaient irrévocables ; que le plébéien, soi-disant tenancier de l’État, n’était soumis à aucune redevance, et que, sauf l’hommage à l’État, il disposait de sa possession comme le patricien de sa propriété ; bref, qu’appeler à la possession foncière la multitude, qui n’en considérait que les avantages matériels, mais n’en comprenait pas les devoirs, c’était avilir la noblesse et perdre