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esprit d’un philosophe, ni d’un magistrat, ni d’un prêtre ; elle aurait paru à tout le monde la plus grande des impiétés, pour ne pas dire la plus grande des iniquités. L’homme s’arroger la souveraineté de la terre, que le Créateur a faite et lui a donnée ! terram autem dedit filiis hominum ! Le cultivateur s’ériger en dieu, le possesseur en propriétaire ! Quel sacrilège ! L’idée d’un pareil crime eût paru digne du plus grand des supplices. La religion des peuples en aurait rangé l’auteur parmi les grands condamnés : Ixion, Tantale, Salmonée, Thésée, Prométhée, si l’auteur d’une pareille idée avait pu être un homme. Aussi la voyons-nous se glisser inaperçue sous le voile respecté de la possession. Une fois posée, entourée de cette même religion dont elle affecte la prérogative, nous allons la voir se développer, s’étendre, et, avec la même bonne foi qui la fit d’abord admettre, obtenir une préférence de plus en plus marquée, et triompher de sa rivale.

A partir de la loi licinienne, le peuple se fait de plus en plus admettre au partage des terres conquises, mais toujours, bien entendu, à litre de possession. En même temps, observe judicieusement M. Laboulaye, la puissance populaire augmente ; elle égale et finit par primer la puissance patricienne. Les plébiscites deviennent lois de l’État. Ainsi réglé, en 337, par Publius Philo. Comme la possession de la terre avait été pour l’aristocratie le signe et le gage de la puissance politique, elle le devint pour la plèbe. C’était une révolution dans la république, à laquelle le patriciat dut