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terre représentée par son propriétaire, comme si, économiquement parlant, la terre produisait quelque chose. La terre fournit à l’homme des matériaux, des instruments, des forces. Le travail met ces forces en jeu, les fait servir à la transformation des produits de la nature et des matières brutes, dans un but d’utilité et de consommation exclusivement humaines. Le travail seul, dans le sens économique du mot, est producteur : c’est confondre toutes les notions, et faire dès le début de l’économie politique un chaos, que de le nier.

Il y a quinze ans, un homme était réputé socialiste, c’était tout dire, par cela seul qu’il ne reconnaissait en économie politique qu’un sujet, l’homme ; un principe, le travail ; un but, le bien-être de tous. Les conservateurs prétendaient que le travailleur n’agissait pas seul, dans la création industrielle ; ils lui donnaient pour auxiliaires, et conséquemment pour copartageants, le capital et la terre, en autres termes le financier et le propriétaire. Mais depuis que M. Thiers, cherchant l’origine et la justification de la propriété, a fait voir que celle-ci avait pour principe le travail, que le capital à son tour se résolvait dans le travail, on est généralement revenu à l’unité du principe producteur, et l’on répugne beaucoup moins aujourd’hui à reconnaître la souveraineté du travail. C’est un grand pas de fait, dont les conséquences pour le capital et la propriété vont bien au delà des prévisions de M. Thiers. Aussi l’opposition n’a-t-elle pas cessé ; elle serait même plus vive que jamais au sein de l’Académie des sciences morales, s’il faut en croire le Journal des Économistes.

Pour moi, tout ce que le cultivateur récolte, tout ce que produit l’industrie humaine, résulte du travail. Mais, comme ainsi soit que la terre, dont le cultivateur dispose, n’est pas partout également favorable ; que parmi les cultivateurs il en est de mieux et de moins bien partagés ; qu’à travail