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vailleur européen. Or, comme cette dette est le résultat du régime économique, politique et fiscal, traditionnellement conservé de l’ancien régime, il est évident qu’on ne peut pas espérer, cette tradition étant maintenue, de rembourser une pareille dette ; elle ne peut que s’aggraver au contraire, et la situation s’empirer : ce qui pousse la société européenne et les États qui la composent à la situation la plus extrême.

Pour conjurer ce péril, pour opérer la liquidation des dettes par des voies rationnelles et amiables, essayera-t-on d’un changement de système ? Mais, de même qu’en 89, et bien plus encore qu’en 89, la masse des intérêts est engagée à l’ordre des choses qui a créé ces dettes énormes ; contre cette masse réfractaire, la moindre tentative de réforme prendrait l’importance d’une révolution. La réforme de l’impôt à elle seule en serait une.

D’autre part, les frais de police et d’armement ne sont pas, ainsi qu’on l’a vu dans le texte, pour l’ensemble de l’Europe, fort au-dessous de 2,500 millions. Pour abolir cet autre chapitre de dépenses, supprimer les armées permanentes, il faut établir un système d’équilibre international qui, se combinant avec une pratique sérieuse du gouvernement parlementaire et une constitution du droit économique, créerait partout la liberté, l’indépendance, l’économie, la paix, rendrait impossibles la guerre, le despotisme et la misère. Mais une semblable réforme ne sortira jamais des discussions d’un congrès, des concessions mutuelles des gouvernements : il ne faut pas moins que l’intervention des peuples eux-mêmes.

De quelque côté que nous nous tournions, nous avons une révolution européenne en perspective, à moins que la pensée qui depuis quarante ans a créé cet état de choses, et qui se nomme la pensée conservatrice, ne se charge de faire elle-même la besogne, je veux dire la révolution.