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D’abord, que l’impôt sur les successions ne remplit aucunement son objet, puisque, s’il ne s’agissait que de nivellement, il faudrait commencer par exempter de l’impôt toutes les fortunes moyennes, à plus forte raison toutes celles au-dessous de la moyenne, ce qui comprend l’immense majorité des successions. Il faudrait ensuite établir une taxe progressive sur les successions dont l’importance dépasse la moyenne, de manière à les ramener en peu d’années au niveau ; puis, au lieu de verser le produit de cette taxe, qui ne serait autre chose qu’une fraction de la propriété ou une hypothèque prise sur cette propriété, il faudrait en doter immédiatement les citoyens sans fortune qui, par leur amour du travail, leur intelligence et leur bonne conduite, offriraient des garanties de bonne exploitation. Hors de là, l’impôt sur les successions n’est qu’une surtaxe, une iniquité, une satisfaction à l’envie, une proie nouvelle jetée au fisc, une fiche de consolation à la misère. L’État, d’après ce nouveau système, serait le redresseur des torts de la fortune ; disons mieux, il se chargerait de ramener l’équilibre entre le succès de l’un et le malheur de l’autre, entre l’intelligence et la sottise, entre le travail et la fainéantise. Il permettrait à tout citoyen, durant sa vie, d’accumuler et d’acquérir ; puis, à la mort, il saisirait la succession au passage et dirait aux enfants : Halte-là ! vous n’avez droit qu’à votre légitime ! Dans ces conditions, l’impôt sur les successions ne serait plus un impôt, puisqu’il ne serait pas général, puisqu’il n’aurait pas pour but de rembourser un service ; ce serait