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veau bail ?… Il suffit de poser ces questions pour réfuter la doctrine de ceux qui, brisant le lien de famille à chaque décès, transportent l’héritage du défunt, des enfants à l’État.

Or, telle n’est point la constitution donnée par la nature à l’humanité. Les générations ne sont pas isolées les unes des autres comme les arbres d’une promenade ; elles sont enchaînées par un lien animique, qui rend leurs membres solidaires et pour ainsi dire les identifie. L’œuvre sociale, toujours en chantier, jamais achevée, ne souffre ni lacune, ni temps d’arrêt. La succession, comme la génération, s’opère en un clin d’œil : on voit naître l’enfant, on reconnaît l’héritier ; au fond, génération et succession sont un mystère. Le mort saisit le vif, dit la raison des siècles : cette formule succincte renferme une loi morale qu’aucune fonction du contrat social, pas plus que du droit divin, ne saurait détruire. L’individu meurt, l’ouvrier est éternel : Uno avulso, non deficit alter.

Dans l’ordre économique de même que dans l’ordre politique et moral, nous tenons notre institution de nos pères ; nous ne naissons pas, comme Adam, sur un sol vierge, inexploré. Nous avons un passé, un capital de travaux et d’idées, matière première de notre existence et de notre perfectionnement, que notre devoir est d’augmenter, d’améliorer et d’étendre, que nous ne pourrions renier sous peine de sacrilége et d’impuissance.

Cette loi de succession ou pour mieux dire de continuité, qu’il est impossible de méconnaître dans la