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de vins en cercles, et 13,123 hectolitres seulement de vins en bouteilles. Le rapport du luxe au nécessaire, à Paris, en fait de boissons, est de un et un dixième à cent. Les droits sur les vins ordinaires, les cidres, la petite bière, rapportent à l’octroi 35 à 40 millions ; une taxe différentielle ad valorem sur les vins fins ne produirait pas 20,000 fr., à peine les frais d’estimation, de contrôle et de répression de fraude. Aussi les promoteurs du système, à défaut de l’utilité fiscale, invoquent-ils les bonnes mœurs. Eh bien, puisque le sujet nous y porte, parlons morale. Je continue ma citation :

« On dit, et c’est un lieu commun rebattu par les Sénèques de tous les siècles, que le luxe corrompt les mœurs. Cela signifie que l’un des stimulants les plus énergiques de la civilisation est l’idéal, dont la réalisation est précisément ce qu’on appelle vulgairement, et misanthropiquement, luxe. Les Grâces, les Muses, Vénus, étaient représentées nues, selon les anciens : où a-t-on vu qu’elles fussent indigentes ? C’est le goût de l’art et du luxe, deux choses, je le répète, qu’il est à peu près impossible aujourd’hui de ne pas confondre, qui dans tous les cas ne vont guère l’une sans l’autre, c’est cette recherche du luxe qui entretient le mouvement social et révèle aux classes inférieures leur dignité. Le luxe, en effet, est déjà plus qu’un droit dans notre société ; c’est un besoin, et celui-là seul est vraiment misérable qui ne se donne jamais un peu de luxe. Et c’est quand l’effort universel tend à populariser de plus en plus les choses de luxe que