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Un harpagon peut se loger dans une habitation qui échappe à la taxe, tandis que le médecin et l’agent d’affaires sont tenus, pour leur clientèle, de se donner un luxe d’appartements, souvent hors de proportion avec leurs profits.

Ajoutons qu’avec ce système de présomptions, le fisc prouve de plus en plus son impuissance et sa déraison.

L’impôt est l’expression d’un échange entre le citoyen et l’État ; c’est le prix d’un service demandé par le premier, offert par le second. Ce prix doit être payé, comme le service fourni, en nature de service ou produit : de là, dans les temps primitifs, la prestation personnelle ou corvée, le service de guerre, de là l’impôt en nature. La civilisation marche ; plus d’une fois, depuis l’époque de barbarie, les sociétés se sont transformées. L’impôt suit une marche parallèle, en percevant l’impôt en numéraire au lieu de le percevoir, comme s’il s’agissait d’un troc, en nature. Et voici que, quand il s’agit d’opérer la répartition des taxes, tantôt on prend pour base la propriété foncière, estimant que telle quantité de terrain, située sous tel degré de latitude, doit donner approximativement tant de revenu ! Voici que, après avoir cadastré le champ héréditaire, on cadastre l’habitation, et l’on dit à l’un : Toi, tu payeras 3 fr. par 25 mètres carrés ; toi, 5 fr. ; toi, 10 fr. ; comme si le produit s’élevait en proportion arithmétique d’après la superficie des chambres, puis en proportion géométrique selon l’industriel qui l’habite ! Cet étrange essai de l’impôt progressif