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grandeurs. Aussi a-t-il semblé à plusieurs que tel était en effet le rôle de l’argent. Mais la théorie des monnaies a prouvé de reste que, loin d’être la mesure des valeurs, l’argent n’en est que l’arithmétique, et une arithmétique de convention. L’argent est à la valeur ce que le thermomètre est à la chaleur : le thermomètre, avec son échelle arbitrairement graduée, indique bien quand il y a déperdition ou accumulation de calorique : mais quelles sont les lois d’équilibre de la chaleur, quelle en est la proportion dans les divers corps, quelle quantité est nécessaire pour produire une ascension de 10, 15 ou 20 degrés dans le thermomètre, voilà ce que le thermomètre ne dit pas ; il n’est pas même sûr que les degrés de l’échelle, tous égaux entre eux, correspondent à des additions égales de calorique.

L’idée que l’on s’était faite jusqu’ici de la mesure de la valeur est donc inexacte ; ce que nous cherchons n’est pas l’étalon de la valeur, comme on l’a dit tant de fois, et ce qui n’a pas de sens ; mais la loi suivant laquelle les produits se proportionnent dans la richesse sociale ; car c’est de la connaissance de cette loi que dépendent, dans ce qu’elles ont de normal et de légitime, la hausse et la baisse des marchandises. En un mot, comme par la mesure des corps célestes on entend le rapport résultant de la comparaison de ces corps entre eux, de même, par la mesure des valeurs, il faut entendre le rapport qui résulte de leur comparaison ; or, je dis que ce rapport a sa loi, et cette comparaison son principe.

Je suppose donc une force qui combine, dans des proportions certaines, les éléments de la richesse, et qui en fait un tout homogène : si les éléments constituants ne sont pas dans la proportion voulue, la combinaison ne s’en opérera pas moins ; mais, au lieu d’absorber toute la matière, elle en rejettera une partie comme inutile. Le mouvement intérieur par lequel se produit la combinaison, et que détermine l’affinité des diverses substances, ce mouvement dans la société est l’échange, non plus seulement l’échange considéré dans sa forme élémentaire et d’homme à homme, mais l’échange en tant que fusion de toutes les valeurs produites par les industries privées en une seule et même richesse sociale. Enfin, la proportion selon laquelle chaque élément entre dans le