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se combinent en proportions différentes, mais d’après une loi certaine : la valeur est le rapport proportionnel (la mesure) selon lequel chacun de ces éléments fait partie du tout.

Il suit de là deux choses : l’une, que les économistes se sont complètement abusés lorsqu’ils ont cherché la mesure générale de la valeur dans le blé, dans l’argent, dans la rente, etc. ; comme aussi lorsqu’après avoir démontré que cet étalon de mesure n’était ni ici ni là, ils ont conclu qu’il n’y avait raison ni mesure à la valeur ; — l’autre, que la proportion des valeurs peut varier continuellement, sans cesser pour cela d’être assujétie à une loi, dont la détermination est précisément la solution demandée.

Ce concept de la valeur satisfait, comme on le verra, à toutes les conditions : car il embrasse à la fois et la valeur utile, dans ce qu’elle a de positif et de fixe, et la valeur en échange, dans ce qu’elle a de variable ; en second lieu fait cesser la contrariété qui semblait un obstacle insurmontable à toute détermination ; de plus, nous montrerons que la valeur ainsi entendue diffère entièrement de ce que serait une simple juxta-position des deux idées de valeur utile et valeur échangeable, et qu’elle est douée de propriétés nouvelles.

La proportionnalité des produits n’est point une révélation que nous prétendions faire au monde : ni une nouveauté que nous apportions dans la science, pas plus que la division du travail n’était chose inouïe, lorsqu’Adam Smith en expliqua les merveilles. La proportionnalité des produits est, comme il nous serait facile de le prouver par des citations sans nombre, une idée vulgaire qui traîne partout dans les ouvrages d’économie politique, mais à laquelle personne jusqu’à ce jour n’a songé à restituer le rang qui lui est dû : et c’est ce que nous entreprenons aujourd’hui de faire. Nous tenions, du reste, à faire cette déclaration, afin de rassurer le lecteur sur nos prétentions à l’originalité, et de nous réconcilier les esprits que leur timidité rend peu favorables aux idées nouvelles.

Les économistes semblent n’avoir jamais entendu, par la mesure de la valeur, qu’un étalon, une sorte d’unité primordiale, existant par elle-même, et qui s’appliquerait à toutes les marchandises, comme le mètre s’applique à toutes les