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CHAPITRE II.


DE LA VALEUR.


§ I. — Opposition de la valeur d’utilité et de la valeur d’échange.


La valeur est la pierre angulaire de l’édifice économique. Le divin artiste qui nous a commis à la continuation de son œuvre ne s’en est expliqué à personne : mais, sur quelques indices, on le conjecture. La valeur, en effet, présente deux faces : l’une, que les économistes appellent valeur d’usage, ou valeur en soi ; l’autre, valeur en échange, ou d’opinion. Les effets que produit la valeur sous ce double aspect, et qui sont fort irréguliers tant qu’elle n’est point assise, ou, pour nous exprimer plus philosophiquement, tant qu’elle n’est pas constituée, changent totalement par cette constitution.

Or, en quoi consiste la corrélation de valeur utile k valeur en échange ; que faut-il entendre par valeur constituée, et par quelle péripétie s’opère cette constitution : c’est l’objet et la fin de l’économie politique. Je supplie le lecteur de donner toute son attention à ce qui va suivre : ce chapitre étant le seul de l’ouvrage qui exige de sa part un peu de bonne volonté. De mon côté, je m’efforcerai d’être de plus en plus simple et clair.

Tout ce qui peut m’être de quelque service a pour moi de la valeur, et je suis d’autant plus riche que la chose utile est plus abondante : à cela point de difficulté. Le lait et la chair, les fruits et les graines, la laine, le sucre, le coton, le vin, les métaux, le marbre, la terre enfin, l’eau, l’air, le feu et le soleil, sont, relativement à moi, valeurs d’usage, valeurs par nature et destination. Si toutes les choses qui servent à mon existence étaient aussi abondantes que certaines