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par seconde d’un pendule, l’amplitude des oscillations, la latitude et l’élévation du lieu où se fait l’expérience, la longueur du pendule ne peut être déterminée, parce que ce pendule est en mouvement. Tel est le premier article de foi de l’économie politique.

Quant au socialisme, il ne paraît pas davantage avoir compris la question ni s’en soucier. Parmi la multitude de ses organes, les uns écartent purement et simplement le problème, en substituant à la répartition le rationnement, c’est-à-dire en bannissant de l’organisme social le nombre et la mesure ; les autres se tirent d’embarras en appliquant au salaire le suffrage universel. Il va sans dire que ces pauvretés trouvent des dupes par mille et centaines de mille.

La condamnation de l’économie politique a été formulée par Malthus dans ce passage fameux :

« Un homme qui naît dans un monde déjà occupé, si sa famille n’a pas le moyen de le nourrir, ou si la société n’a pas besoin de son travail, cet homme, dis-je, n’a pas le moindre droit à réclamer une portion quelconque de nourriture ; il est réellement de trop sur la terre. Au grand banquet de la nature, il n’y a point de couvert mis pour lui. La nature lui commande de s’en aller, et ne tardera pas à mettre elle-même cet ordre à exécution. »

Voici donc quelle est la conclusion nécessaire, fatale, de l’économie politique, conclusion que je démontrerai avec une évidence jusqu’à présent inconnue dans cet ordre de recherches : La mort à qui ne possède pas.

Afin de mieux saisir la pensée de Malthus, traduisons-la en propositions philosophiques, en la dépouillant de son vernis oratoire :

« La liberté individuelle, et la propriété qui en est l’expression, sont données dans l’économie politique ; l’égalité et la solidarité ne le sont pas.

» Sous ce régime, chacun chez soi, chacun pour soi : le travail, comme toute marchandise, est sujet à la hausse et à la baisse : de là les risques du prolétariat.

» Quiconque n’a ni revenu ni salaire, n’a pas droit de rien exiger des autres : son malheur retombe sur lui seul ; au jeu de la fortune, la chance a tourné contre lui. »