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Nous avons constaté, d’une part, que l’homme, bien que provoqué par l’antagonisme de ses idées, bien que jusqu’à certain point excusable, accomplit le mal gratuitement et par l’essor bestial de ses passions, ce qui répugne au caractère d’un être libre, intelligent et saint. Nous avons fait voir, d’un autre côté, que la nature de l’homme n’est point harmoniquement et synthétiquement constituée, mais formée par agglomération des virtualités spécialisées en chaque créature, circonstance qui, en nous révélant le principe des désordres commis par la liberté humaine, a achevé de nous démontrer la non divinité de notre espèce. Enfin, après avoir prouvé qu’en Dieu la providence non-seulement n’existe pas, mais qu’elle est impossible ; après avoir, en d’autres termes, séparé dans l’Être infini les attributs divins des attributs anthropomorphiques, nous avons conclu, contrairement aux affirmations de la vieille théodicée, que relativement à la destinée de l’homme, destinée essentiellement progressive, l’intelligence et la liberté en Dieu souffraient un contraste, une sorte de limitation et d’amoindrissement, résultant de son caractère d’éternité, d’immutabilité et d’infinité ; de telle sorte que l’homme, au lieu d’adorer en Dieu son souverain et son guide, ne pouvait et ne devait voir en lui que son antagoniste. Et cette dernière considération suffira pour nous faire rejeter aussi l’humanisme, comme tendant invinciblement, par la déification de l’humanité, à une restauration religieuse. Le vrai remède au fanatisme, selon nous, n’est pas d’identifier l’humanité avec Dieu, ce qui revient à affirmer, en économie sociale la communauté, en philosophie le mysticisme et le statu quo ; c’est de prouver à l’humanité que Dieu, au cas qu’il y ait un Dieu, est son ennemi.

Quelle solution sortira plus tard de ces données ? Dieu à la fin se trouvera-t-il être quelque chose ?…

J’ignore si je le saurai jamais. S’il est vrai, d’un côté, que je n’aie aujourd’hui pas plus de raison d’affirmer la réalité de l’homme, être illogique et contradictoire, que la réalité de Dieu, être inconcevable et immanifesté, je sais du moins, par l’opposition radicale de ces deux natures, que je n’ai rien à espérer ni à craindre de l’auteur mystérieux que ma