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Or, que serait une science infinie, une science absolue, déterminant une liberté également infinie, comme la spéculation le suppose en Dieu ? Ce serait une connaissance non pas seulement universelle, mais intuitive, spontanée, pure de toute hésitation comme de toute objectivité, bien qu’elle embrassât à la fois le réel et le possible ; une science sûre, mais non pas démonstrative ; complète, non suivie ; une science enfin qui, étant éternelle dans sa formation, serait dépouillée de tout caractère de progrès dans le rapport de ses parties.

La psychologie a recueilli de nombreux exemples de ce mode de connaître, dans les facultés instinctives et divinatoires des animaux ; dans le talent spontané de certains hommes nés calculateurs et artistes, indépendamment de toute éducation ; enfin dans la plupart des institutions humaines et des monuments primitifs, produits d’un génie inconsciencieux et indépendant des théories. Et les mouvements si réguliers, si compliqués des corps célestes ; les combinaisons merveilleuses de la matière : ne dirait-on pas encore que tout cela est l’effet d’un instinct particulier, inhérent aux éléments ?…

Si donc Dieu existe, quelque chose de lui nous apparaît dans l’univers et dans nous-mêmes : mais ce quelque chose est en opposition flagrante avec nos tendances les plus authentiques, avec notre destinée la plus certaine ; ce quelque chose s’efface continuellement de notre âme par l’éducation, et tout notre soin est de le faire disparaître. Dieu et l’homme sont deux natures qui se fuient, dès qu’elles se connaissent : comment, à moins d’une transformation de l’une ou de l’autre, ou de toutes deux, se réconcilieraient-elles jamais ? Comment, si le progrès de la raison est de nous éloigner toujours de la Divinité, Dieu et l’homme, par la raison, seraient-ils identiques ? Comment, en conséquence, l’humanité par l’éducation pourrait-elle devenir Dieu ?

Prenons un autre exemple.

Le caractère essentiel de la religion est le sentiment. Donc, par la religion, l’homme attribue à Dieu le sentiment, comme il lui attribue la raison ; de plus il affirme, suivant