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au fond trois expressions adéquates, servant à désigner trois faces différentes de l’être. Dans l’homme, la raison n’est qu’une liberté déterminée, qui sent sa limite. Mais cette liberté est encore, dans le cercle de ses déterminations, fatalité, une fatalité vivante et personnelle. Lors donc que la conscience du genre humain proclame que la fatalité de l’univers, c’est-à-dire la plus haute, la suprême fatalité, est adéquate à une raison ainsi qu’à une liberté infinie, elle ne fait qu’émettre une hypothèse de toute façon légitime, et dont la vérification s’impose à tous les partis.

3o Actuellement les humanistes, les nouveaux alliés, se présentent et disent :

L’humanité dans son ensemble est la réalité poursuivie par le génie social sous le nom mystique de Dieu. Ce phénomène de la raison collective, espèce de mirage dans lequel l’humanité, se contemplant elle-même, se prend pour un être extérieur et transcendant qui la regarde et préside à ses destinées ; cette illusion de la conscience, disons-nous, a été analysée et expliquée ; et c’est désormais reculer dans la science que de reproduire l’hypothèse théologique. Il faut s’attacher uniquement à la société, à l’homme. Dieu en religion, l’état en politique, la propriété en économie, telle est la triple forme sous laquelle l’humanité, devenue étrangère à elle-même, n’a cessé de se déchirer de ses propres mains, et qu’elle doit aujourd’hui rejeter.

J’admets que toute affirmation ou hypothèse de la Divinité procède d’un anthropomorphisme, et que Dieu n’est d’abord que l’idéal, ou, pour mieux dire, le spectre de l’homme. J’admets de plus que l’idée de Dieu est le type et le fondement du principe d’autorité et d’arbitraire que notre tâche est de détruire ou du moins de subordonner partout où il se manifeste, dans la science, le travail, la cité. Aussi je ne contredis pas l’humanisme, je le continue. M’emparant de sa critique de l’être divin, et l’appliquant à l’homme, j’observe :

Que l’homme, en s’adorant comme Dieu, a posé de lui-même un idéal contraire à sa propre essence, et s’est déclaré antagoniste de l’être réputé souverainement parfait, en un mot, de l’infini ;