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c’est sottise et lâcheté ; Dieu, c’est hypocrisie et mensonge ; Dieu, c’est tyrannie et misère ; Dieu, c’est le mal. Tant que l’humanité s’inclinera devant un autel, l’humanité, esclave des rois et des prêtres, sera réprouvée ; tant qu’un homme, au nom de Dieu, recevra le serment d’un autre homme, la société sera fondée sur le parjure, la paix et l’amour seront bannis d’entre les mortels. Dieu, retire-toi ! car dès aujourd’hui, guéri de ta crainte et devenu sage, je jure, la main étendue vers le ciel, que tu n’es que le bourreau de ma raison, le spectre de ma conscience.

Je nie donc la suprématie de Dieu sur l’humanité ; je rejette son gouvernement providentiel, dont la non-existence est suffisamment établie par les hallucinations méthaphysiques et économiques de l’humanité, en un mot par le martyre de notre espèce ; je décline la juridiction de l’Être suprême sur l’homme ; je lui ôte ses titres de père, de roi, de juge, bon, clément, miséricordieux, secourable, rémunérateur et vengeur. Tous ces attributs, dont se compose l’idée de Providence, ne sont qu’une caricature de l’humanité, inconciliable avec l’autonomie de la civilisation, et démentie d’ailleurs par l’histoire de ses aberrations et de ses catastrophes. S’ensuit-il, parce que Dieu ne peut plus être conçu comme Providence, parce que nous lui enlevons cet attribut si important pour l’homme, qu’il n’a pas hésité à en faire le synonyme de Dieu, que Dieu n’existe pas, et que la fausseté du dogme théologique soit, quant à la réalité de son contenu, dès à présent démontrée ?

Hélas ! non. Un préjugé relatif à l’essence divine a été détruit ; du même coup l’indépendance de l’homme est constatée : voilà tout. La réalité de l’être divin est demeurée hors d’atteinte, et notre hypothèse subsiste toujours. En démontrant, à l’occasion de la Providence, ce qu’il était impossible que Dieu fût, nous avons fait, dans la détermination de l’idée de Dieu, un premier pas : il s’agit maintenant de savoir si cette première donnée s’accorde avec ce qui reste de l’hypothèse, par conséquent de déterminer, au même point de l’intelligence, ce que Dieu est, s’il est.

Car, de même qu’après avoir constaté la culpabilité de l’homme sous l’influence des contradictions économiques,