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juste, punissant le vice et récompensant la vertu. J’écarterai l’hypothèse panthéistique, comme une hypocrisie et un manque de cœur. Dieu est personnel, ou il n’est pas : cette alternative est l’axiome d’où je déduirai toute ma théodicée.

Il s’agit donc pour moi, quant à présent, et sans me préoccuper des questions que pourra soulever plus tard l’idée de Dieu, de savoir, à vue des faits dont j’ai constaté l’évolution dans la société, ce que je dois penser de la conduite de Dieu, tel qu’on le propose à ma foi, et relativement à l’humanité. En un mot, c’est au point de vue de l’existence démontrée du mal que je veux, à l’aide d’une nouvelle dialectique, sonder l’Être suprême.

Le mal existe : sur ce point désormais tout le monde semble d’accord.

Or, ont demandé les stoïciens, les épicuriens, les manichéens, les athées, comment accorder la présence du mal avec l’idée de Dieu souverainement bon, sage et puissant ? Comment ensuite Dieu, soit impuissance, soit négligence, soit malveillance, ayant laissé le mal s’introduire dans le monde, a-t-il pu rendre responsables de leurs actes des créatures que lui-même avait créées imparfaites, et qu’il livrait ainsi à tous les périls de leurs attractions ? Comment, enfin, puisqu’il promet aux justes après la mort une béatitude inaltérable, ou, en d’autres termes, puisqu’il nous donne l’idée et le désir du bonheur, ne nous en fait-il pas jouir dès cette vie en nous ravissant à la tentation du mal, au lieu de nous exposer à une éternité de supplices ?

Telle est, dans son ancienne teneur, la protestation des athées.

Aujourd’hui l’on ne dispute guère : les théistes ne s’inquiètent plus des impossibilités logiques de leur système. On veut un Dieu, une Providence surtout : il y a concurrence pour cet article entre les radicaux et les jésuites. Les socialistes prêchent au nom de Dieu le bonheur et la vertu ; dans les écoles, ceux qui parlent le plus haut contre l’Église sont les premiers des mystiques.

Les anciens théistes étaient plus soucieux de leur foi. Ils s’efforçaient, sinon de la démontrer, au moins de la rendre raisonnable, sentant bien, à l’encontre de leurs successeurs,