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Ma preuve sera bientôt faite.

Il existe une loi, antérieure à notre liberté, promulguée dès le commencement du monde, complétée par Jésus-Christ, prêchée, attestée par les apôtres, les martyrs, les confesseurs et les vierges, gravée dans les entrailles de l’homme, et supérieure à toute la métaphysique : c’est l’Amour. Aime ton prochain comme toi-même, nous dit Jésus-Christ après Moïse. Tout est là. Aime ton prochain comme toi-même, et la société sera parfaite ; aime ton prochain comme toi-même, et toutes les distinctions de prince et de berger, de riche et de pauvre, de savant et d’ignorant, disparaissent, toutes les contrariétés des intérêts humains s’évanouissent. Aime ton prochain comme toi-même, et le bonheur avec le travail, sans nul souci de l’avenir, rempliront tes jours. Pour accomplir cette loi et se rendre heureux, l’homme n’a besoin que de suivre la pente de son cœur et d’écouter la voix de ses sympathies : il résiste ! Il fait plus : non content de se préférer au prochain, il travaille constamment à détruire le prochain : après avoir trahi l’amour par l’égoïsme, il le renverse par l’injustice.

L’homme, dis-je, infidèle à la loi de charité, s’est fait à lui-même, et sans nécessité aucune, des contradictions de la société autant de moyens de nuire ; par son égoïsme, la civilisation est devenue une guerre de surprises et de guets-apens ; il ment, il vole, il assassine, hors le cas de force majeure, sans provocation, sans excuse. En un mot, il accomplit le mal avec tous les caractères d’une nature délibérément malfaisante, et d’autant plus scélérate qu’elle sait, quand elle veut, accomplir le bien gratuitement aussi et se dévouer, ce qui a fait dire d’elle, avec autant de raison que de profondeur : Homo homini lupus, vel deus.

Afin de ne pas trop m’étendre, et surtout pour ne rien préjuger sur des questions que je devrai reprendre, je me renferme dans la limite des faits économiques précédemment analysés.

Que la division du travail soit de sa nature, jusqu’au jour d’une organisation synthétique, une cause irrésistible d’inégalité physique, morale et intellectuelle parmi les hommes, la société ni la conscience n’y peuvent rien. C’est là un fait