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sort de la compétence et échappe à la capacité de la chambre.

Si vous voulez que le consommateur soit garanti, et sur la valeur, et sur la salubrité, force vous est de connaître et de déterminer tout ce qui constitue la bonne et sincère production, d’être à toute heure sur les bras du fabricant, de le guider à chaque pas. Ce n’est pas lui qui fabrique ; c’est vous, l’état, qui êtes le vrai fabricant.

Vous voilà donc tombé dans le traquenard. Ou vous entravez la liberté du commerce, en vous immisçant de mille manières dans la production ; ou vous vous déclarez seul producteur et seul marchand.

Dans le premier cas, en vexant tout le monde, vous finirez par soulever tout le monde ; et tôt ou tard, l’état se faisant expulser, les marques de fabrique seront abolies. Dans le second, vous substituez partout l’action du pouvoir à l’initiative individuelle, ce qui est contre les principes de l’économie politique et la constitution de la société. Prenez-vous un milieu ? c’est la faveur, le népotisme, l’hypocrisie, le pire des systèmes.

Supposons maintenant que la marque soit abandonnée aux soins du fabricant. Je dis qu’alors les marques, même en les rendant obligatoires, perdront peu à peu leur signification, et ne seront plus à la fin que des preuves d’origine. C’est connaître bien peu le commerce que de s’imaginer qu’un négociant, un chef de manufacture, faisant usage de procédés non susceptibles de brevet, ira trahir le secret de son industrie, de ses profits, de son existence. La signification sera donc mensongère : il n’est pas au pouvoir de la police qu’il en soit autrement. Les empereurs romains, pour découvrir les chrétiens qui dissimulaient leur religion, obligèrent tout le monde à sacrifier aux idoles. Ils firent des apostats et des martyrs ; et le nombre des chrétiens ne fit que s’accroître. De même les marques significatives, utiles à quelques maisons, engendreront des fraudes et des répressions sans nombre : c’est tout ce qu’il faut en attendre. Pour que le fabricant indique loyalement la composition intrinsèque, c’est-à-dire la valeur industrielle et commerciale de sa marchandise, il faut lui ôter les périls de la concurrence et satisfaire ses instincts de monopole : le pouvez-vous ? Il faut